Source : CUSM

La professeure Theresa Gyorkos, scientifique senior au Programme des maladies infectieuses et immunité en santé mondiale de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM)

Il peut arriver que des Canadiens rapportent des parasites intestinaux en guise de souvenir de leurs déplacements à l’étranger. Pour plus d’un milliard de personnes en Asie, en Afrique et en Amérique latine cependant, les vers parasites font plutôt figure de compagnons constants. Les vers helminthiques, tels que les ascarides et les ankylostomes, se propagent par la contamination fécale du sol dans les régions où l’assainissement et la gestion des déchets s’avèrent insuffisants. On associe l’infection chronique à l’anémie, à la diarrhée, à la malnutrition, au retard de croissance et à une déficience du développement cognitif.

La professeure Theresa Gyorkos, scientifique senior au Programme des maladies infectieuses et immunité en santé mondiale de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), a consacré sa carrière à la compréhension et à la réduction des dommages causés par les infections parasitaires.

« La clé serait d’éliminer la contamination fécale par le traitement, et par l’amélioration de l’assainissement et de l’hygiène des ménages », affirme-t-elle. Objectif que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) souhaite atteindre d’ici 2030. Entretemps, la professeure Gyorkos, qui est directrice du Centre collaborateur de l’Organisation panaméricaine de la Santé et de l’Organisation mondiale de la Santé (OPS-OMS) pour la recherche et la formation en épidémiologie des parasites et sur le contrôle des infections parasitaires, situé à l’Université McGill, travaille à fournir des traitements aux habitants des 100 pays où l’infection est endémique.

C’est à la fin des années 1990 que la professeure Gyorkos a commencé à collaborer avec l’OMS afin d’établir de nouvelles directives pour le déparasitage périodique. En 2001, l’OMS adoptait une résolution recommandant le traitement préventif des groupes à haut risque, en particulier les enfants d’âge scolaire. Un programme mondial fournissant des conseils techniques et du soutien aux pays endémiques a par la suite été coordonné par l’organisation, puis mis en place.

« C’est formidable de voir des centaines d’enfants faire la queue dans la cour d’école pour obtenir des comprimés antiparasitaires, raconte la professeure Gyorkos, surtout quand on pense à tous les paliers de gouvernement qui ont dû travailler ensemble pour acheminer le traitement à 600 millions d’écoliers. »

La plupart des pays endémiques ont instauré des programmes de déparasitage des enfants à même les écoles, ce qui facilite la distribution des traitements et la promotion de la prévention. L’approvisionnement du traitement antiparasitaire du programme de l’OMS, administré sous forme de comprimé à dose unique, est entièrement assuré par deux compagnies pharmaceutiques donatrices — l’une d’elles ayant même développé un comprimé à croquer pour les jeunes enfants. Dans chaque pays, les gouvernements et les dirigeants du programme organisent la distribution et effectuent un suivi périodique pour confirmer que l’initiative parvient à réduire les cas d’infection. Plus récemment, l’accent est mis sur le traitement des femmes en âge de procréer, afin de prévenir l’anémie chez les mères et l’insuffisance pondérale chez les bébés naissants.

C’est au Canada qu’ont commencé les efforts de recherche de la professeure Gyorkos, avec des études portant sur les réfugiés de l’Asie du Sud-Est arrivés à la fin des années 1970 et dans les années 1980. « Le gouvernement envisageait le dépistage d’infections parasitaires, mais nous avons trouvé que celles-ci se limitaient d’elles-mêmes, et que grâce à l’efficacité de nos systèmes de gestion des déchets, une transmission locale n’aurait pas lieu. » L’une des réalisations importantes de la professeure Gyorkos a été le bilan exhaustif des parasites humains présents au Canada, incluant la découverte que certains sont partagés avec d’autres régions circumpolaires.

« Nous nous penchons actuellement sur l’impact des changements climatiques sur ces parasites et sur leur transmission », explique Gyorkos, qui est également professeure au Département d’épidémiologie, de biostatistique et de santé au travail de l’Université McGill.

Ses travaux de recherche à l’étranger, notamment dans la région amazonienne du Pérou, documentent l’impact des infections par les vers, la sécurité des traitements et les meilleurs moyens de rejoindre les populations. Dans une étude publiée en 2018, Gyorkos et ses collègues ont découvert que l’infection chronique par les vers à un jeune âge affecte les capacités cognitives et verbales, ainsi que le développement physique. En 2019, la scientifique a publié une évaluation systématique des risques associés aux traitements antiparasitaires durant la grossesse, ne constatant aucune augmentation du risque, même lors du premier trimestre. Le programme de l’OMS demeure cependant prudent quant au traitement antiparasitaire en début de grossesse, et choisit d’exclure les candidates à ce stade pour leur offrir le traitement ultérieurement. L’étude la plus récente de Gyorkos, à paraître prochainement dans PLOS Neglected Tropical Diseases, évalue comment effectuer ce tri de façon efficace. « En tant que communauté de recherche, souligne Gyorkos, nous fournissons les preuves sur lesquelles l’OMS peut fonder ses directives ».

Lors de notre entretien, la professeure Gyorkos examinait les ébauches du plan stratégique de l’OMS d’ici 2030, heureuse du renouvellement de mandat du Centre collaborateur de McGill pour une deuxième période de quatre ans. Le Centre témoigne de la sensibilité du milieu canadien de la recherche envers les priorités mondiales, et de l’engagement de la professeure Gyorkos à l’égard du mentorat et du soutien des chercheurs en santé mondiale partout sur la planète. La marque de son succès? « Je suscite beaucoup d’intérêt pour les vers! »

 

 

Le 14 janvier 2020