Au cours d’un dimanche après-midi de janvier, pendant ce qui devait être une excursion de ski relaxante avec son amie de cœur dans le parc de la Gatineau, Justyn Lutfy s’est retrouvé au sein d’une équipe essayant de sauver une vie à bord d’une motoneige tirant un traîneau à 50 km/h.
La majorité des étudiants en médecine fait habituellement l’expérience de la réalité des soins directs aux patients dans un environnement contrôlé, à mesure qu’ils acquièrent de l’expérience, grâce aux externats et aux résidences. Peu d’entre eux trouvent un moment pour réfléchir en profondeur sur leurs progrès en tant que professionnel de la santé en formation. Pour Justyn, c’est une expérience soudaine et inattendue qui a suscité une telle introspection.
« N’importe qui aurait fait la même chose », a déclaré l’étudiant mcgillois de quatrième année en médecine en s’arrêtant pour réfléchir à cette journée-là. Il raconte les événements en parlant rapidement et avec ferveur, comme si c’était l’urgence du moment qui le poussait à raconter l’événement aussi vite.
La matinée avait commencé normalement. Justyn et sa compagne appréciaient leur excursion de ski sur les sentiers du parc de conservation de la région de la capitale nationale. Après avoir parcouru environ huit kilomètres, ils ont décidé de s’arrêter pour manger dans un des abris du sentier.
« Tout à coup, un skieur arrive en courant et en respirant bruyamment, et frappe le bouton d’urgence de la radio. Ma compagne et moi nous sommes regardés et nous avons compris que quelque chose clochait », évoque Justyn. La décision d’aider est venue naturellement. Sans réfléchir, il s’est levé et s’est approché du skieur, qui lui a dit qu’un homme se trouvant sur un des sentiers venait de s’écrouler après avoir éprouvé de vives douleurs thoraciques. Il se trouvait à environ cinq minutes en ski de l’abri. Il avait besoin d’une assistance médicale.
Justyn admet qu’il n’a jamais skié aussi rapidement de sa vie. « Je n’avais jamais atteint ce niveau d’effort pour rejoindre quelqu’un aussi vite », a-t-il dit, évoquant son excursion sur les sentiers de ski, aidé d’autres skieurs qui libéraient le passage et se tenaient aux fourches du sentier pour le guider.
Un petit groupe de personnes se trouvait déjà sur place. « Je me suis présenté et j’ai dit : “ Bonjour. Je m’appelle Justyn, je suis étudiant en médecine. Comment puis-je vous aider? ” »
« Nous avons été témoins d’une intervention et d’une assistance incroyables », a déclaré Mathieu Lemay, chef des opérations de sécurité et de secours du parc de la Gatineau au moment de l’incident. « Sa présence était rassurante puisqu’elle constituait une référence en médecine d’urgence. »
Le Dr Christian Anthony Otto, un urgentologue d’Ottawa qui se trouvait, lui aussi, sur les lieux, a entrepris des manœuvres de réanimation cardio-respiratoire sur le patient inconscient. Justyn prenait la relève régulièrement. Depuis l’âge de 16 ans, il avait suivi plusieurs formations en secourisme : patrouilleur de ski, sauveteur en piscine et, plus récemment, formation en hôpital. Il se trouvait maintenant en situation de mettre en pratique ses compétences en essayant de sauver la vie d’un homme.
La suite s’est déroulée de manière très intense. Après deux cycles de réanimation cardio-respiratoire effectués à tour de rôle sur le traîneau tiré par la motoneige, l’attache qui reliait le traîneau à la motoneige s’est brisée. « J’ai saisi la barre de traction et j’ai dû me retenir au traîneau pour l’empêcher de chavirer. On ne pouvait plus effectuer de manœuvres de réanimation, le traîneau risquant de basculer », a ajouté Justyn.
« En passant la barre de traction du traîneau par-dessus le siège arrière de la motoneige, nous avons réussi à transporter la victime à l’ambulance », se rappelle monsieur Lemay.
Malgré les efforts remarquables de toutes les personnes présentes à ce moment, le décès du patient fut tristement constaté dans l’ambulance.
L’expérience a marqué Justyn. Il sait que, si cet événement s’était produit au début de ses études en médecine, sa capacité d’aider n’aurait pas été la même. « Je pouvais constater qu’au cours des quatre dernières années en école de médecine, j’étais passé du statut de répondant en secourisme en formation à celui de…médecin.
« J’ai aussi pu constater à quel point les gens ont la volonté de se mobiliser pour aider les autres de leur mieux. Tout cela commence avec la confiance en soi et le désir d’intervenir. »